Contexte : Enrica questionne son rapport à l’écriture. Comment continuer à exprimer cette créativité ?
Adrien : L’image que j’ai c’est un entonnoir avec un liquide qui fait différentes strates de couleur, qui coule. Cet entonnoir a la forme d’un pubis, avec les jambes sur les côtés, et le liquide qui descend comme s’il s’écoulait du sexe. Je vois qu’il y a un bassin en bas qui accueille ce liquide multicolore. Je vois des papiers, des feuilles A4 qui semblent couvertes d’écriture, qui tombent sur ce bassin. Elles tombent un peu nonchalamment. Comme si elles se détachaient d’un arbre, mais c’est comme si on les avait jetées, comme si elles étaient déconsidérées. Et là ça leur fait du bien de retomber dans le bassin de la créativité. Il y a quelque chose qui est lié à l’énergie sexuelle, il y a quelque chose qui est multicolore, comme des encres de couleurs différentes. Et je sens que ces feuilles mortes, parce que déconsidérées, viennent comme retourner à leur source, viennent se refondre dans ce bain de créativité. Et je vois que le bain de créativité se déverse par une rigole vers un autre bassin en contrebas, qui accueille cette créativité. C’est un bassin plus grand, il est déjà plein d’eau claire, et la créativité se dilue dans cette eau. Il semble qu’il y ait moins de style, on ressent moins l’énergie personnelle que dans la bain précédent qui était beaucoup plus étroit, et où l’encre était beaucoup plus vive.
Là je vois une plume pour écrire avec l’encre du bassin.
L’Esprit universel dit : J’aimerais vous poser la question : qui est l’auteur ? Qui est réellement l’auteur des choses que vous écrivez ? Où est-ce que votre créativité puise sa source ? Est-ce une réserve finie en vous, que vous savez écouler dans un domaine, et dont vous craignez de manquer pour un autre ? Savez-vous même diriger cette créativité d’un domaine à l’autre ?
Ou est-ce que la source, comme la manière dont elle s’écoule, vous apparaît sans que vous ayez le moindre contrôle dessus ?
La question que tu poses Enrica, fait écho à celle, plus directe, de savoir s’il reste de la créativité dans le bassin de ta littérature.
Oui, il reste de la créativité dans ce bassin. Et cette créativité déborde de ce bassin. Elle file loin vers un bassin plus grand. Un bassin qu’elle découvre.
Adrien : Là il me montre que tu peux ouvrir le bassin de ta littérature, pour laisser ta créativité se déverser sur l’autre bassin. Et tu peux ouvrir ce bassin, dans le sens où toute la créativité qui était réservée à la littérature peut sortir de ce cadre, sans pour autant perdre en intensité au niveau de la littérature, parce que ton bassin de littérature est tout le temps renouvelé.